Infos essentielles
- 📍Orne & Parc naturel régional du Perche
- 🚂Ligne Paris — Granville
- 📏90km · 1000m1100m
- 🏞️Route principalement goudronnée, peu de chemins sur terre, 6% de départementale à 90km/h
Estimation des coûts 💶
- 🚂~60€
- 🍽️~25€
- ⇒~85€
Les vastes étendues des champs n'éveillent que peu d'émotions pour beaucoup, mais mon regard est particulièrement sensible à la façon dont cela lui permet de percer l'horizon. Des couleurs jaunes et vertes des cultures, qui s'assemblent en un damier sans règles, ou de la courbure du sol épousant une silhouette en rien familière, c'est ça qu'il me plait à contempler. Et je dirais que c'est en roulant à vélo au cœur même de ces paysages que l'on a l'opportunité de les scruter au mieux.
Ce samedi-là, j'étais donc parti au sud de la Normandie pour m'aventurer dans les contrées de l'Orne et du Parc naturel régional du Perche. Je me suis faufilé au petit matin avec mon vélo dans la gare Montparnasse à Paris, et j'ai pris le train de la ligne Paris — Granville. Le trajet a duré moins de deux heures, et très vite, le paysage se métamorphosant, je n'ai pu m'empêcher d'imaginer tout ce que je verrai de cette journée.
L'envol au départ de L'Aigle
Je suis sorti du train à L'Aigle. Le temps était légèrement couvert, mais j'avais foi que cela se dégagerait au fil des heures. Je suis aussitôt monté sur mon vélo, et j'ai à peine eu le temps de rencontrer quelques feux de signalisation, qu'en une poignée de tour de pédaliers, je me suis retrouvé au milieu des premières prairies. J'ai salué les vaches, les ânes et les chevaux en passant.
Les routes par lesquelles je suis passé m'ont permis de voir moins de voitures en circulation que de fermes, dont je me réjouissais des odeurs singulières. Le goût de la liberté m'a envahi, tandis que je haletais tranquillement ces premières bouffées d'air.

Pendant plusieurs kilomètres, je n'ai vu ni d'hommes ni de femmes. Des chiens, oui, en revanche. Nous avons fait la course avec l'un d'entre eux, fort heureusement, je m'en sors vainqueur. Les maisons, sans doute occupées malgré tout, paraissaient se prélasser au soleil, qui tentait des percées timides à travers le voile de nuage. Comme un rideau, il houlait sous les souffles grandissants du vent : d'une seconde à une autre, j'étais ébloui par sa lumière, puis le monde paraissait soudainement se cacher dans l'obscurité.
Les portes du Perche
Jusqu'à présent, j'avais roulé plutôt en descente, mais une fois arrivé à Bazoches-sur-Hoëne, il ne se dresserait plus que des collines sur mon chemin. La brise, se transformant de son côté en bourrasques, me repoussaient dans la vallée, tandis que je poussais de plus en plus fort sur mes pédales, luttant toujours plus. Alors, je songeais à ces bosquets, plantés, seuls, dans les champs. Passent-ils leur temps à se battre de toute leur force pour ne pas se faire déraciner, ou bien se plient-ils devant l'absurde puissance du vent ?

Aux abords de Mortagne-au-Perche, l'agglomération donne une tout autre impression de la région, et je dois avouer que c'est peut-être la seule erreur d'itinéraire de ce voyage. La 1x1 voie, limitée à 90km/h, en côte, ne m'a pas laissé un si bon souvenir. Toutefois, il aurait été difficile de contourner la Route Nationale 12 (il faut la traverser sur un pont, je n'entends bien évidemment pas rouler sur une nationale), et chaque endroit où la couper semblait être affluent en circulation. Mais qu'à cela ne tienne, après ces 35km parcourus, il était temps de se refaire des forces pour l'après-midi qui allait arriver.
Dans les hauteurs de Mortagne, je m'arrête donc dans une petite brasserie, En France, en plein centre-ville. Je n'étais pas le seul à m'apprêter à passer à table, il y avait beaucoup de familles venues se retrouver autour d'un bon plat réconfortant. Enfin, par réconfortant, je veux surtout dire que le déjeuner a toujours une saveur spéciale durant ces ballades intenses.
Des villages perchés
À peine remis de ma matinée, je remballe mes affaires et reprends la route aussitôt. Et dehors, les rafales reprennent de plus belle. Ce sera comme ça jusqu'à la fin, je le sais. Mais un nouveau souffle me prend et, finalement, la route glisse toute seule sous mes roues.
Durant les kilomètres qui ont suivi, bien que les paysages étaient uniques, un motif singulier se dégageait : je descendais, je passais au-dessus d'un cours d'eau, je remontais dans un village, j'avais une superbe vue, et rebelote... Deux lieux m'ont particulièrement marqué.
Le premier, non loin de la Chapelle-Montligeon, j'aperçois derrière des haies Notre-Dame de Montligeon qui trône sur la vallée. Au moment où je pédalais, j'ignorais tout de cette basilique (même que c'en était une), mais la grandeur de cette bâtisse a de quoi interloquer quiconque passerait par là, tant sa taille contraste avec tout ce que l'on peut trouver autour.
Le second lieu se trouvait aux pieds d'un petit village, Monceaux-au-Perche. Après avoir grimpé la petite côte sur laquelle il se niche, je suis les panneaux indiquant un ancien lavoir, qui me font redescendre par une route escarpée. Je tombe alors sur une petite prairie au bord la Commeauche, et je n'ai pu résister au plaisir de m'asseoir quelques instants face au courant. Le bruit des clapotis aurait pu me bercer tandis que le soleil prenait de plus en plus de place dans le ciel. Mais je ne me suis pas laissé prendre par la fatigue, et je suis reparti pour les 30 derniers kilomètres du voyage.


Les côtes de l'Huisne
Mes jambes manquaient de plus en plus d'énergie. La fin de ce voyage s'est avérée être plutôt difficile. Mais quel autre choix avais-je ? Il fallait bien que j'aille récupérer mon train. Alors, j'ai pédalé sans broncher. Durant presque tout le trajet (à l'exception de Mortagne bien entendu), la route était si calme, et surtout si agréable, que rouler à régime réduit n'était pas un problème du tout. Et le cadre qui m'était offert valait bien ces quelques efforts.
C'est d'ailleurs un piège qui mérite que l'on fasse preuve de prudence. À force d'avoir la tête dans le guidon, j'ai certainement raté de magnifiques paysages, et je m'en suis rendu compte lorsqu'en arrivant en bas de Villeray, j'entendis un flux d'eau abondant. En me retournant, je vis alors un moulin, juste au bord de la confluence de deux bras de l'Huisne. L'excuse était toute trouvée, mes frêles pattes ont eu raison de moi, je me suis assis sur l'herbe. J'ai contemplé ces litres d'eau indomptables faire tourner la roue en bois dans un bruit assourdissant. Cette symphonie sauvage a réellement un pouvoir pour se vider l'esprit.

J'aurais aimé dire que tout cela a été facile, mais ce n'était pas le cas. À la place, je peux fièrement dire que c'était un bain d'air frais revigorant. Ces routes-là, pour peu que l'on les prenne même en voiture, ne nous apportent jamais tant de joie, puisque nous nous arrêtons rarement dans ces lieux pour les explorer du regard. Dans ce village, rien ne ressemble à ce que j'ai l'habitude de voir en région parisienne. Alors bien sûr que cela me rend optimiste. Et c'est sans doute ça, malgré l'épuisement, qui m'a donné la force de remonter une ultime fois sur ma monture pour rejoindre ma destination.
Je suis passé par les dernières forêts et les derniers villages, puis j'ai ressenti cette sensation si particulière de nostalgie en voyant le panneau de Nogent-le-Rotrou. Je ne suis même pas arrivé à la gare, que c'est à ce moment-là que je me remémore le plus ma traversée : je repense aux plus belles vues, aux routes les plus dures, à tous ces instants uniques.
À la recherche d'un bon flan, je fais un rapide tour de la ville, et je me rends à la gare pour attendre le premier train en direction de Paris. C'est donc sur une note vanillée que s'achève ce court voyage dans le Perche.